De plus en plus de revues proposent aux auteurs de payer des frais de publication (Article Processing Charges ou APC) pour que leur article soit en Open Access. Ces articles peuvent être lus gratuitement, ce qui bénéficie notamment aux chercheurs des pays du Sud n’ayant pas les moyens de payer l’accès aux revues, mais les frais de publication constituent également une barrière à la publication pour ces mêmes chercheurs.
Ainsi, les chercheurs des pays à faibles revenus publient rarement en Open Access, même quand ils sont éligibles aux programmes d’exonération des frais de publication mis en place par les éditeurs. C’est ce qu’a montré une étude réalisée par des chercheurs de l’Université de Floride et basée sur l’analyse de plus de 37 000 articles.
Cet état de fait avait depuis longtemps été pressenti mais n’avait pas pu être démontré car il est difficile de comparer les publications des revues Open Access avec des revues non Open Access. En effet, beaucoup d’autres critères entrent en jeu dans le choix d’une revue par les auteurs.
Le projet pilote “mirror journals” d’Elsevier de 2018 à 2020 a permis de réaliser cette étude. Dans ce programme, 38 journaux hybrides d’Elsevier ont été “doublés” d’un journal Open Access doré “miroir”, possédant le même titre, le même comité éditorial et le même processus de relecture par les pairs. Toutes les revues miroirs dorées facturaient des APC alors que, pour les revues hybrides, aucun coût n’était demandé aux auteurs, sauf s’ils souhaitaient que leur article soit en Open Access.
37 000 articles publiés dans ces revues ont ainsi pu être examinés. La localisation géographique des auteurs principaux et l’éventuelle demande d’exonération partielle ou totale des APC ont été analysés.
Les auteurs de l’étude ont ainsi pu montrer que :
- La quasi-totalité des articles publiés dans les revues miroirs avec APC ont un auteur principal de pays à fort revenu. Très peu d’articles émanent des auteurs de pays à revenus intermédiaires et aucun des pays à faible revenu.
- Bien qu’ils soient basés dans des pays éligibles à l’exonération des APC, les auteurs des pays à faible revenu ont publié presque exclusivement des articles sur abonnement dans les revues hybrides.
Les programmes d’exonération d’APC semblent donc inefficaces. Les auteurs de l’étude proposent trois explications. D’une part, les politiques des éditeurs en matière d’exonération des APC peuvent être assez restrictives. D’autre part, il est possible que les auteurs n’aient pas eu connaissance de l’existence de ces dérogations. Et pour finir, il s’agit parfois de réductions d’APC qui laissent encore trop de frais à la charge des auteurs.
“Les APC biaisent la recherche, ils excluent les auteurs, et nous devrions tous essayer de trouver des moyens de surmonter ces obstacles” dit Peter Suber, un des pionniers du mouvement Open Access, dans un article de Nature.