Comme nous l’expliquions dans notre article de juin 2021, la prédation dans le domaine de la publication scientifique est un véritable fléau, et il est important d’avoir les outils et les moyens de cibler les caractéristiques de ce phénomène.
La revue Nature a publié en octobre dernier un article édifiant et très intéressant révélant les nouvelles pratiques des éditeurs prédateurs : ‘Predatory publishers’ latest scam: bootlegged and rebranded papers. To thwart publishing rackets that undermine scholars and scholarly publishing, legitimate journals should show their workings.’
Les auteurs, K. Siler, P. Vincent-Lamarre, C. R. Sugimoto et V. Larivière, font un état des lieux des nouvelles arnaques de ces éditeurs et mènent une véritable chasse aux prédateurs. Ils partent du principe que, pour mieux combattre son ennemi, il faut bien le connaître et dans le cas présent, le rendre visible et identifiable.
Ainsi, ils ont créé la base de données Lacuna qui tente de répertorier les revues ou éditeurs qui ne sont pas indexés dans les bases de données réputées, comme Web of Science ou Scopus, ces bases ayant des critères plus ‘sélectifs qu’exhaustifs’ et n’indexant qu’une partie des revues savantes mondiales. Il s’avère que les éditeurs prédateurs se cachent au milieu de cette liste inédite.
La mise en place de cette base leur a permis de repérer plusieurs pratiques frauduleuses, dont certaines inattendues, comme :
- Le piratage : les revues prédatrices rééditent, sans aucun consentement, de véritables articles évalués par les pairs, issus de revues dites ‘légitimes’. Tout cela sous un nouveau DOI, sans créditer la revue originale et parfois l’auteur ;
- Le changement de date d’articles déjà publiés, qui sont insérés dans des nouvelles revues pour créer une archive ;
- L’usurpation d’identité au sens large : identité d’auteur, de revue etc… ;
- Le clonage et recyclage de revues ou d’articles pour produire une ‘archive fictive’ et justifier les frais de publication dans une revue censée avoir une réputation.
Vous trouverez dans ce passionnant article des cas concrets de ces pratiques frauduleuses.
La deuxième partie de l’article expose des propositions très intéressantes pour combattre et affamer les éditeurs prédateurs. Par exemple :
- Un meilleur suivi de tous les éditeurs et de leurs publications (Lacuna) ;
- Informer et sensibiliser les auteurs qui soumettent des manuscrits ;
- Ne pas citer les publications qui proviennent de revues prédatrices (exemple de l’OMS cité dans l’article) ;
- Une plus grande transparence sur la façon dont les revues dites ‘légitimes’ fonctionnent, principalement concernant la question de l’évaluation par les pairs qui, par définition, est difficilement falsifiable car c’est le contenu de l’examen par les pairs qui montre à quel point les revues examinent sérieusement les soumissions…
A retenir aussi que les auteurs de l’article appellent à soutenir les revues émergentes de bonne foi. “Plusieurs plateformes, telles que Open Journal Systems du Public Knowledge Project, permettent la diffusion de revues à un coût modeste. SciELO (Brésil) et Redalyc (Mexique) sont des exemples d’infrastructures de publication universitaire qui fournissent des revues de qualité et à faible coût en libre accès pour les universitaires” et qui prennent en compte la publication d’articles dans la langue maternelle de leur pays afin de favoriser l’accès à la recherche et l’équité.
Retrouvez Vincent Larivière dans notre article ‘On vous explique les revues prédatrices‘
Source : K. Siler, P. Vincent-Lamarre, C. R. Sugimoto and V. Larivière. 2021. Predatory publishers’ latest scam: bootlegged and rebranded papers. Nature, 598, pp 563-565. DOI: https://doi.org/10.1038/d41586-021-02906-8